mercredi 21 septembre 2011

La non-position de la France sur la reconnaissance de la Palestine à l'ONU

Siège apporté par la délégation palestinienne à l'ONU © AFP
Nicolas Sarkozy a énoncé aujourd'hui à New York la position française sur l'initiative portée par l'Autorité palestinienne de se voir reconnaitre le statut d'Etat par l'Assemblée générale de l'ONU. Cette position, gardée dans le plus grand secret jusqu'au moment du discours, a des raisons de nous laisser sur notre faim. 

"Pourquoi ne pas envisager pour la Palestine le statut d’Etat observateur aux Nations unies ?" Ce serait un pas important" a déclaré le président français à la tribune des Nations Unies. Intention louable si la Palestine ne bénéficiait pas déjà depuis 1974 d'un statut d'observateur... 
La proposition de Nicolas Sarkozy reviendrait donc à faire passer la Palestine du statut "d'entité observatrice" à celui "d'Etat observateur" comme c'est le cas pour le Vatican. Je vous épargne la subtilité entre les deux statuts et vous laisse en apprécier la saveur toute diplomatique sur le site de l'ONU

Qu'obtendrait donc l'Autorité palestinienne de si énorme dans la proposition française? Elle aura droit à rien de moins qu'une "mission permanente d'observation", en lieu et place du "bureau permanent" qu'elle détient actuellement au siège de l'ONU. 

Le journaliste du Monde Arnaud Leparmentier, qui couvre l'évènement sur place, semblait y voir une différence de taille dans notre échange sur Twitter de ce jour. Je veux bien que la langue diplomatique soit par essence empreinte de subtilité mais là, le fameux "pas important" évoqué par Sarkozy m'échappe toujours. 

jeudi 25 août 2011

Le véritable chiffre "symbolique" du plan d'austérité

Dès la présentation du plan d'austérité hier soir, le montant de la contribution exceptionnelle demandée aux plus riches n'a cessé d'être raillé pour son aspect "symbolique". Les 3% demandés aux foyers dont les revenus dépassent les 500.000 € annuels rapporteront selon La Tribune la somme mirobolante, que dis-je "hallucinante", de... 200 Millions d'€.

Pour autant, utiliser cette somme et la juger modique ne permet pas de prendre suffisamment conscience du degré de la supercherie. 200 Millions d'€, ça reste malgré tout une somme rondelette pour la majorité des français qui rapporterait ça à son salaire annuel.

Afin d'apprécier à sa juste valeur cette nouvelle "blague fiscale", il faut plutôt calculer la part que représente la contribution exceptionnelle demandée aux plus riches dans le montant total du plan d'économie de 11 Milliards dévoilé hier. Et là, le résultat aboutit à chiffre qu'on ne peut même plus qualifier de symbolique, mais juste de ridicule. 

Ce chiffre, c'est 2%. Tout un symbole.

Les 2% symboliques

vendredi 19 août 2011

De l'Olympe à Wall Street


"Ô Jupiter, protège-nous des aléas du marché!"


Et si les dieux antiques de l’Olympe et du panthéon romain s’étaient réincarnés dans ce que nous appelons aujourd’hui les marchés financiers. Ca va sans doute vous paraître un peu capilotracté, mais la manière dont le monde est pendu aux moindres soubresauts des marchés me pousse à cette comparaison avec la religion telle que pratiquée dans l’Antiquité.

Les grecs et les romains entretenaient avec leurs dieux une relation bien différente que celle des croyants d’aujourd’hui avec le divin. « Dieu » est aujourd’hui conçu comme une sorte de taulier suprême, un Tout régissant les choses et les vies telle une vérité absolue qu’aucun croyant n’oserait remettre en cause. Les dieux de l’Antiquité, eux, ressemblaient bien plus à leurs inventeurs. Ils étaient faillibles, pouvaient aimer et haïr, se trompaient et étaient même parfois trompés. Mieux encore, les anciens se payaient le luxe de les maudire quand un dieu était accusé d’avoir frappé injustement quelqu’un d’un triste sort.

Cette relation qu’exerçaient nos aïeux avec leurs dieux comporte d’étranges similitudes avec celles que nous entretenons aujourd’hui avec « les marchés ». Tout comme pour les dieux de l’Olympe, les hommes ont élevé des temples en l’honneur des marchés (voir l’architecture du Palais Brongniart et de Wall Street). A Rome, les augures étaient chargés d’interpréter les signes envoyés par les dieux là où les analystes financiers traduisent aujourd’hui au profane la signification profonde du comportement des marchés. Les magistrats de la cité éternelle ou les stratèges athéniens ne faisaient rien sans l’aval des dieux. Ils veillaient à s’attirer leurs bonnes grâces, cherchaient à les rassurer où même à les contenter. Aujourd’hui nos dirigeants en sont réduits à la même posture vis-à-vis de la sacro-sainte finance mondiale.

Les dieux pouvaient être à l’origine d’une grande Fortune (à prendre dans le sens du mot « chance ») ou au contraire être vus comme des fauteurs de trouble qu’on aurait courroucés. Les marchés, eux, sont loués en période de vache grasse ou au contraire maudits en période de vache maigre. Tout comme les dieux enfin, les marchés réagissent de manière irrationnelle. Ils paniquent, s’emballent ou savent préparer des coups contre ceux dont la piété ou l’orthodoxie ne serait pas totale.

J’arrête ici ces analogies. Bien évidemment, ce billet est plus à lire comme un point de vue ironico-cynique sur le monde que comme une thèse historico-douteuse.

Quoi qu’il en soit, il souligne un fait simple. La sagesse et la clairvoyance qu’on attribue trop facilement aux marchés doivent enfin être remises en cause. Tout comme nos sociétés ont su relativiser le mythe des divinités régissant le monde, nous devons aujourd’hui dépasser le dogme selon lequel il faut apaiser et rassurer les marchés. Ou alors, il ne nous reste plus qu’à prier.

mercredi 17 août 2011

De la dette publique à l’investissement dans notre avenir

La crise des dettes souveraines, qui aura défrayé la chronique cet été, a fait apparaître dans le débat public un nouveau concept : les euro-obligations ou eurobonds en anglais. Pour faire simple, il s’agirait en mutualisant les dettes des Etats membres de la zone euro, d’assurer aux pays un taux unique d'emprunt sur les marchés.  Les euro-obligations sont aujourd'hui à l'état de projet car les Allemands s’opposent farouchement à cette mesure. Ils ne voudraient pas voir leur crédibilité de créancier se diluer dans une dette européenne entachée, selon eux, par les mauvais gestionnaires que sont les pays d'Europe du Sud. Angela Merkel a d'ailleurs mis assez de pression sur Sarkozy pour que cette question ne soit même pas discutée lors du sommet franco-allemand du 16 août à l’Elysée.

© Reuters
Le paysage étant posé, je voudrais m'attarder sur un point qui m’irrite quelque peu les oreilles quand j’entends parler des euro-obligations. Tous les observateurs, qu’ils soient économistes, journalistes ou même politiques ne jugent la question des euro-bonds qu'au travers du prisme de la crise de la dette souveraine. Dans les quelques discours qui se font sur le sujet, on entend que mutualiser les dettes européennes servirait à protéger les pays des attaques spéculatives sur… leur dette. En somme, faisons de la dette pour nous protéger de la dette.

Mon idée n'est pas ici de prolonger le soupçon que nourrissent nos cousins germains envers ces pays prétendus laxistes du sud et qu'ils accusent de vouloir endetter l’Europe pour de bon. Mon intention est plutôt de remettre en cause les discours qui perdent de vue à mon sens ce à quoi doit servir une dette souveraine.

Le projet des euro-obligations, s’il ne sert qu’à garantir la dette des Etats est inutile. Bien plus qu’un nouveau moyen de financer le fonctionnement des Etats, ces eurobonds doivent constituer un levier essentiel d’investissement dans notre avenir. Selon mes calculs, la zone euro pourrait lever pas moins de 70 Milliards d’€ s’il elle s’endettait à hauteur de 3% de son PIB, c’est-à-dire largement dans les clous des critères de convergence de Maastricht. Quant à l’Union Européenne, ce n’est  pas moins de 445 Milliards d’€ qui pourrait être mobilisés dans les mêmes limites jugées raisonnables par nos voisins tudesques.

Ces chiffres sont bien évidemment virtuels, étant donné l’absence de budget de l’Euro-Zone ou l’impossibilité qui frappe l’Union européenne de créer de la dette en son nom. Quoi qu’il en soit, ces montants donnent une idée très claire de ce qui pourrait être investi par l’Europe dans l’éducation, la R&D ou encore dans les politiques industrielles si cette dernière était une entité politique, sociale et économique digne de ce nom.

L'Europe, si elle veut éviter des années voire des décennies de croissance atone, a besoin d'un nouveau Plan Marshall. Là est le vrai enjeu d'une gouvernance économique nouvelle pour le vieux continent. De l'idée d'une surveillance mutuelle des déficits publics des uns et des autres, il faut passer au stage des investissements massifs dans le nouveau modèle de développement, prôné par beaucoup mais mis en oeuvre par personne. Un modèle plus sobre en énergie et en matières premières mais à nouveau créateur de richesses, d'emplois et pourquoi pas de bonheur (soyons fous!).

Si l'Europe rate cette opportunité, d'autres s'en saisiront et s'en saisissent même déjà. Pas plus tard qu'en juin dernier, c'est-à-dire au moment où la Grèce était au plus fort de la crise de la dette, deux groupes industriels chinois ont signé avec les autorités helléniques un accord de près de 3 Milliards d'€ sur le développement des énergies solaires dans le pays. Y'a comme qui dirait quelque chose qui ne tourne pas rond sur notre vieux continent.

samedi 9 juillet 2011

L'indignation, un phoenix européen

Campement des indignés de Barcelone, début juin (© Thiébaut Weber)

A l’heure où le mouvement des indignés espagnols semble marquer le pas, il est difficile de prédire exactement l’avenir de ce mouvement. Il parait cependant nécessaire de garder un œil attentif sur le phénomène qui, au-delà des campements organisés ça et là en Espagne, marque la trame de fond de cette mobilisation spontanée. 

Retour sur une mobilisation spontanée 

Il trouve sa source au Portugal où les jeunes du mouvement « Geração à rasca » (Génération dans la dèche) organisa le 12 mars dernier une manifestation qui fut selon la presse « le plus grand mouvement social de l'histoire de la démocratie portugaise ». 300.000 à 400.000 personnes se sont mobilisées dans un pays qui compte un peu plus de 10 Millions d’habitants. Ce mouvement spontané, que personne n’avait vu venir, a servi de modèle aux jeunes madrilènes et barcelonais qui, à partir du 15 mai, lancèrent en Espagne le mouvement des « indignados », dont le nom est inspiré du désormais célèbre pamphlet de Stéphane Hessel : « Indignez-vous ! », qui fait un carton en Espagne. C’est la dispersion sans ménagement par la police d’un petit rassemblement pacifique sur une place de Madrid qui a poussé les premiers indignés à planter leurs tentes sur la Puerta del Sol, place névralgique de la capitale madrilène. Les jeunes grecs ont emboité le pas à leurs collègues de la péninsule ibérique en organisant le 5 juin une mobilisation qui a rassemblé plusieurs milliers de manifestants dans les villes du pays. 

Le fait que ce mouvement ait connu son essor au Portugal, en Espagne et en Grèce, ne doit rien au hasard. Ces trois pays présentent en effet des caractéristiques communes : 
  • Mise en œuvre de plans d’austérité drastiques dont les effets sur la solvabilité des pays restent discutables 
  • Défiance vis-à-vis des socialistes au pouvoir, jugés coupables d’avoir trahi en imposant l’austérité
  • Mise en débat de la question démocratique, avec une dénonciation des partis politiques et des syndicats. 
  • Taux de chômage des jeunes beaucoup plus élevé que dans les autres pays (plus de 40% en Espagne et en Grèce)

Les inspirations du mouvement 

Les exemples tunisiens et égyptiens sont évidemment dans toutes les têtes indignées du Portugal, d’Espagne, et dans une moindre mesure de Grèce. Pour autant, l’objectif affiché des indignés n’est pas de renverser les gouvernements en place. Il est bien plus de peser dans le débat démocratique, et même sur la démocratie elle-même, en s’inspirant des méthodes profondément pacifistes adoptées par les jeunes du Maghreb et du Machrek. Plus que de renverser un régime, les indignés ont pour but de donner un nouveau souffle à la démocratie et de redonner prise au pouvoir politique sur le « pouvoir » économique. C’est cet objectif qui pousse les indignés autogérés espagnols à veiller à ce que le mouvement garde une crédibilité aux yeux de l’opinion publique, gage essentiel de son soutien. Dans les assemblées et les différents campements qui subsistent encore, le message est clair : « No es un botellón !» (« Ce n’est pas un apéro géant »). Le malaise exprimé par les indignés se traduit donc dans des modalités d’action pacifiques et revendiquées comme « civiques ». Du dire même des indignés rencontrés à Barcelone, ce mouvement doit rester « crédible » et « éviter tout débordement » pour peser véritablement dans le débat démocratique. 
Pancarte dans le campement de Girona, début juin (© Thiébaut Weber)

Il est à noter que la Grèce présente un visage beaucoup plus radical du mouvement. Dans ce pays, de plus grands bouleversements politiques qu’en Espagne et au Portugal ne sont pas à exclure. 

L'indignation marque le pas 

En France et ce malgré quelques « foyers », le mouvement reste marginal. A l’initiative d’étudiants espagnols, des rassemblements ont été initiés à Paris en juin (place de la Bastille), mais les tentatives d’établissement d’un campement ont rapidement été contrecarrées par les forces de l’ordre. La mobilisation prend donc, pour l’heure, la forme de rassemblements quotidiens qui se déroulement dans plusieurs villes de France. Ces derniers ne sont en rien relatés par les médias. En Italie, aucune tentative de mobilisation n’a été observée pour le moment. Du dire même des jeunes syndicalistes italiens que j'ai pu croiser à la Confédération Européenne des Syndicats, la jeunesse engagée italienne reste concentrée sur la situation politique provoquée par le style particulier de Silvio Berlusconi. Dans les autres pays européen : rien à signaler pour le moment. 

L’avenir de cette mobilisation est aujourd'hui plus qu'incertain. En Espagne, le mouvement a montré quelques signes d’essoufflement et les « indignados » madrilènes ont démonté le 12 juin dernier le campement de Puerta del Sol. Loin de marquer la fin du mouvement, les indignés souhaitent surfer sur le soutien de l’opinion publique pour aller vers la population et organise maintenant des commissions de débat un peu partout. Au niveau européen, l'avenir du mouvement à court terme semble compromis au regard des tentatives qui n’aboutissent pas, en France notamment. 

Et pourtant...

Il doit néanmoins garder toute notre attention car les suites de la crise des dettes souveraines et les épisodes à venir dans le(s) débat(s) démocratique(s) en Europe peuvent influer fortement l’essor de ce mouvement. Si les pays sont frappés de manière diverse par la crise et ses suites, il existe néanmoins des traits communs partagés qui pourraient conditionner le développement d’un mouvement spontané d’ampleur au niveau européen : 
  • Montée des populismes avec un potentiel fort de réaction de la jeunesse (le plus souvent diplômée) en Europe. 
  • Une Europe de plus en plus vécue au quotidien par les jeunes (Erasmus, proximité avec des étudiants étrangers dans les universités, etc.). 
  • Des réseaux sociaux (Facebook et Twitter) qui peuvent jouer un rôle considérable de vecteur d’accélération du mouvement. 
  • Des thèmes communs (austérité, démocratie, chômage de masse, etc.) qui, même s’ils touchent les pays à des degrés divers, sont des sujets de débats « qui parlent » aux jeunes de tous les pays. A titre d’exemple, une étude Ifop du 16 juin montre que près d'un Français sur deux (48%) se dit "révolté" par la situation économique et sociale de la France 
Barcelone: Les indignés sont connectés au monde (© Thiébaut Weber)
Si une propagation du mouvement est à exclure à court-terme, le « terreau favorable européen » décrit plus haut, fait que le possible essor de ce mouvement reste latent. Cela pourrait prendre des mois, voire plus d’un an. 
Et au-delà de l’avenir immédiat de cette mobilisation, cette dernière nous livre quelques enseignements sur l’évolution des formes de mobilisation de la jeunesse. Le caractère de plus en plus européen, l’impératif de crédibilité, la mise en place de cadres d’action vierges de toute présence politique ou syndicale formalisée(1), présentent les traits d’un espace d’engagement potentiellement de plus en plus attrayant pour de nombreux jeunes. La première surprise que m'ont livré les jeunes militants du syndicat espagnol Comisiones Obreras (CCOO) fut par exemple de voir nombre de leurs proches et amis, réputés « apolitiques » et non-engagés, s’investir à fond dans ce mouvement. Des potes comme on en connait tous un paquet. 
Autant dire qu'un mouvement de ce type peut donc, à l'avenir, attirer sans problème une jeunesse européenne en quête de sens. Reste à trouver l'étincelle.

(1) Même si en Espagne, de nombreux jeunes militants syndicaux participent activement au mouvement

dimanche 1 mai 2011

[1er mai] La chanson des travailleurs

Vous cherchiez une mélodie à laisser trotter dans la tête pour cette fête du Travail? Alors laissez moi vous faire découvrir "Worker's song". Cette chanson a été écrite au milieu des années 70 par Ed Pickford et est aujourd'hui très répandue outre-manche dans les milieux populaires. Prenez garde âmes sensibles, car elle est reprise ici par le groupe Dropkick Murphys, un groupe américain de punk celtique.



Pour les puristes, vous trouverez ici la version originale interprétée en 1981 par le chanteur écossais Dick Gaughan. Enjoy!

samedi 30 avril 2011

Le 1er mai: Défiler ou spéculer?

La crise de 2008 a été suivie de pas mal de beaux discours et d'une cascade de bonnes intentions sur la réforme de la finance mondiale. Même des médias économiques comme BFM TV ou Les Echos avaient enfin ouvert leur antenne et autres colonnes à ceux qui avaient prêché pendant tant d'années dans le vide sur la régulation financière. Ce temps est révolu.
Aujourd'hui ces deux mêmes médias font volte-face en offrant leur soutien à la XTB trading cup 2011. La plate-forme de trading en ligne XTB, qui organise cette coupe, la présente comme "le plus grand concours boursier européen". Rien que ça.


Le principe est assez simple. On est invité à s'inscrire gratuitement, apprendre à spéculer, et faire mumuse ensuite avec les cordons de la bourse. Rassurez-vous (qu'ils semblent nous dire), les marchés  en présence et l'argent qui s'échangera sur eux sont totalement virtuels. Les prix à gagner, eux, sont bien réels: 1 million d'euros et une Mercedes SLK. Afin d'apater le chalan, le champion de F1 Lewis Hamilton fait office de VRP de luxe comme l'atteste cette video:


Au-delà de l'aspect ludique, ce jeu constitue pour moi un symbole fort de la période que nous vivons. Malgré les quelques institutions et règles macro-prudentielles mises en œuvre ici et là, les leçons de la crise financière n'ont pas véritablement été tirées. Preuve en est ce nouveau jeu à con où les marchés sont présentés comme un vaste terrain de jeu où chaqu'un pourra montrer ses biceps comme sur un ring. Économie réelle, Utilité sociale des investissements et Prudence, 3 notions particulièrement prisées dans les discours économiques de ces 3 dernières années, sont bel et bien absentes des principes ce challenge. A l'inverse, Hamilton est là pour nous rappeler par son statut d'homme rapide, que le maitre-mot des marchés financiers est toujours de gagner de l'argent vite et bien. 

Comble de l'ironie, les organisateurs ont choisi la date du 1er mai, journée traditionnelle de la fête du Travail, pour lancer leur gros machin. Bienvenue dans le monde d'avant...

vendredi 11 mars 2011

Libye: non-assistance à peuple en danger

© AFP
James Clapper, directeur des services de renseignement américains, a déclaré jeudi devant le Congrès que la révolution libyenne avait de grandes chances de ne pas aboutir. Pour beaucoup, le vent a tourné en Libye, soufflant maintenant vers la poupe d'un Kadhafi qu'on croyait sur la fin il y a encore peu de temps. Après des semaines atermoiements, certaines puissances occidentales, États-Unis en tête, semblent prêtes à tourner tels des girouettes avec ce vent du destin. Encore quelques jours de progression des troupes loyales à Kadhafi, et nos diplomates adorés expliqueront que les appels au départ du dictateur n'étaient que des injonctions qui pourront être oubliés sans difficultés, moyennant quelques gestes insignifiants de la part du guide de la révolution. 

L'affaire est-elle donc entendue? La révolution libyenne restera-t-elle dans l'histoire comme un essai non transformé? Je ne pense pas, et je suis même convaincu qu'il est plus que jamais temps d'agir. Arrêtons cette diplomatie de petits garçons peureux, qui tremblent comme des feuilles à l'idée de déclarer "la guerre" (oups, le mot est lâché) à un dictateur (un vrai, un dur, un tatoué) qui massacre son peuple et n'hésitera pas à le réprimer plus durement encore si son retour victorieux est confirmé.

Quitte à contourner l'opposition de la Chine et de la Russie à une option militaire, le conseil  européen de ce  vendredi doit acter enfin la mise en place de la zone d'exclusion aérienne demandée par les forces insurgées libyennes. Par ce biais, il faut empêcher l'aviation militaire pro-régime de pilonner les courageux rebelles qui n'ont en main qu'un armement limité, sûrement pas aérien, et dont ils savent à peine se servir. La loi internationale de l'inertie actuellement en vigueur est la loi du faible, et il faut y mettre un terme. 
Bien évidemment, il n'est pas question de voir la solidarité démocratique internationale se manifester via ce fameux droit d'ingérence qui légitimerait l'intervention étrangère de troupes terrestres sur le sol libyen. Aucun des deux camps, insurgé comme occidental, ne gagnerait quoi que ce soit dans cette option. Les premiers se verraient voler leur révolution là où les seconds se feraient tailler un costard tout neuf de puissance coloniale. A l'opposé, les principes qui légitiment la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne sont à mes yeux plus clairs. Il s'agit d'une part de démontrer que la solidarité internationale n'est pas qu'un concept et qu'elle existe entre les peuples qui aspirent à cette valeur fondamentale qu'est la liberté. L'autre enjeu est de mettre en œuvre dès maintenant un principe simple mais fort, qui n'existe pas aujourd'hui dans le droit international, celui de non-assistance à peuple en danger.


samedi 12 février 2011

Paroles de Français: l'arnaque "sans précédent" de Sarkozy sur l'emploi

© express.fr
Je dois l'avouer, je fais parti des 25% à peine de 25-34 ans qui ont regardé, ou plutôt subi, la prestation de Nicolas Sarkozy dans l'émission Paroles de français. Ce ne fut pas une partie de plaisir, et le fauteuil dans lequel j'étais assis se souvient encore des nombreux bonds que j'ai fait tout au long de la soirée. Sécurité, immigration, justice, islam: il faut dire que TF1 avait déjà bien salé le menu que notre cher président ne s'est pas privé d'alourdir un peu plus. Au-dela de ces thèmes, c'est sur la question de l'emploi que j'attendais Nicolas Sarkozy. Autant dire qu'au moment où ce domaine a été abordé, mon siège n'en était pas au bout de ses peines.

Sans sourciller, Sarko n'a rien annoncé de moins qu'un "plan sans précédent" pour l'emploi. Rien que ça! Dans sa besace, un chèque de 500 millions d'euros destiné à doper les contrats en alternance, à renforcer l'accompagnement des chômeurs de longue durée et à favoriser l'insertion professionnelle des "jeunes des quartiers". 

A l'inverse du survol des sujets orchestré jeudi par Jean-Pierre Pernaut, je vous propose de disséquer toutes ces annonces. Je vous annonce tout de suite la couleur: on s'est bien fait enflé.

"500 millions d'euros de plus pour l'emploi": Un peu moins dans le moins

L'investissement parait conséquent, mais il est beaucoup moins impressionnant que la diminution des crédits de l'emploi, du travail et de la formation professionnelle actée dans la loi de finances de l'Etat pour 2011. Ce sont en effet 11,4 milliards d'euros qui ont été prévus pour cette année contre 15 milliards en 2010, soit une baisse de 24% des crédits. Avec le demi-milliard annoncé jeudi soir, le budget de l'emploi restera donc amputé de 3,1 milliards d'euros par rapport à 2010. On aura vu mieux comme "plan sans précédent" pour l'emploi.

Mêmes symptômes concernant les contrats aidés. Ces contrats uniques d'insertion (CUI), pris en charge à 70% par l'Etat, visent à faciliter l'embauche d'individus très éloignés de l'emploi. Le président a annoncé jeudi vouloir financer 110.000 contrats aidés supplémentaires en 2011. La réalité est moins généreuse et cette déclaration vient poursuivre trois années de stop and go dans la gestion gouvernementale du nombre de CUI. De 330.000 contrats aidés déployés en 2009, le gouvernement avait placé la barre à 500.000 contrats en 2010 avant de baisser leur nombre à 390.000 contrats dans le budget 2011. Résultat: les 110.000 contrats "supplémentaires" promis par l'ami Sarkozy ne feront donc que rétablir le nombre de contrat qui préexistait en 2010. "Sans précédent" qu'il nous a dit le monsieur.

"Un million de jeunes en alternance": J'ai dit combien?

L'objectif de booster le nombre de contrats en alternance est partagé par tout ce que le monde du social et de l'éducation compte d'acteurs. Je partage cette ambition. Mais la tâche parait difficile étant donné la morosité ambiante sur le marché de l'emploi. Fin 2010, les statistiques du ministère du Travail annonçaient 414.000 contrats d'apprentissage et 173.000 contrats de professionnalisation, c'est à dire moins qu'en 2005. La crise est passée par là et les employeurs ont boudé l'alternance malgré les aidés et autres exonérations de "charges" initiées par le plan de relance de 2009*. Ce ne sont donc pas des nouvelles exonérations qui vont pérenniser l'alternance et assurer l'essor de ce dispositif, mais bien plus un engagement volontariste des entreprises et des branches dans ces formations, comme c'est le cas en Allemagne. 

Qui plus est, si les journalistes avaient un peu moins le nez plongé dans l'actualité immédiate, ils auraient sans doute découvert le pot aux roses quant aux ambitions affichées par le président. Dès 2009, le président avait déjà annoncé vouloir "doubler le nombre de contrats en alternance", soit passer de 600.000 à 1,2 million de contrats. Cet objectif avait même été réaffirmé par le même Nicolas Sarkozy lors de son interview télévisée du 16 novembre 2010. Mais avec un million de contrats annoncés jeudi soir, ce sont 200.000 d'entre eux qui ont disparu de l'objectif présidentiel. Qui sait, encore deux interviews d'ici 2012 et l'objectif affiché pourrait bien être d'en rester à la situation actuelle.

"Proposer à tous les chômeurs de longue durée soit une formation qualifiante, soit un emploi": Tous! Ou presque.

Très fort! Sarkozy nous propose ici ce qui devrait être le quotidien de l'action de Pôle Emploi. Par cette mesure, il reconnait de fait le désastre causé par son action et celle du gouvernement dans le pilotage du service public de l'emploi. Malheureusement, pas une "parole de français" n'est venue lui rappeler les coupes claires effectuées en 2010 dans les moyens humains et financiers de Pôle Emploi. Alors même que le chômage de longue durée a explosé en 2010 (+36%), l'Etat s'est payé le luxe de supprimer 1.800 postes à Pôle Emploi tout en diminuant sensiblement la subvention qu'il lui alloue chaque année. 

La France compte actuellement 1,5 million de chômeurs de longue durée, c'est à dire au chômage depuis plus d'un an. Si nous suivons le président, "tous" ces individus devraient se voir proposé un accompagnement renforcé dans les trois mois. Mais il y a un hic, et il vient de Xavier Bertrand. Dans un entretien au Figaro publié le lendemain de l'interview présidentielle, le ministre du Travail annonce pour sa part que 130.000 chômeurs de longue durée seront accompagnés en 2011 (+30% par rapport à 2010). De la totalité des chômeurs de longue durée évoquée par le patron la veille, on passe donc à même pas 9% d'entre eux. Du volontarisme comme on aime!

Favoriser l'insertion professionnelle des "jeunes des quartiers": la blague!

Xavier Bertrand (toujours lui) a poursuivi vendredi le service après-vente des annonces présidentielles lors d'un déplacement à Lille. Il a précisé à cette occasion la nature exacte des fameux contrats aidés à destination des "jeunes des quartiers" évoqués par son mentor, quelques heures avant, sur le plateau de TF1. L'objectif est selon lui d'"augmenter de 50% le nombre de contrats d'autonomie pour les jeunes dans les quartiers sensibles" et de le porter à 15.000 en 2011. Enième bond sur mon pauvre fauteuil. L'échec cuisant de ce contrat, lancé en 2007 par Fadela Amara, aurait dû légitimer son enterrement en 2011. C'est sans compter dans l'obstination du gouvernement à prolonger des mesures dont l'inefficacité ne fait plus de doutes. Fadela Amara elle-même reconnaissait devant l'Assemblée nationale le 8 septembre 2010 que 15% seulement des contrats d'autonomie signés jusque là avaient débouché sur un emploi stable ou une formation qualifiante.


Ma dissection s'arrête ici. Elle pourrait se prolonger dans d'autres domaines, mais la nausée n'est pas loin. Une chose est sûre, l'émission Paroles de français n'a pas engagé la parole aux français du président du "travailler plus pour gagner plus".


* Cela démontre un peu plus que le "déficit de compétitivité" de la France n'est pas lié au soi-disant coût exorbitant du travail. En effet les contrats en alternance, tous comme des contrats aidés, coutent moins chers aux employeurs qu'un CDD ou un CDI "normal". 

dimanche 23 janvier 2011

La fabrique à Marine Le Pen

© KEYSTONE
On pense généralement que c’est l’actualité qui dicte le contenu des journaux. Or c’est exactement le contraire : c’est le contenu des journaux qui dicte l’actualité. Depuis deux ans, les journalistes ont fabriqué Marine Le Pen. Aujourd’hui, ils travaillent à lui ouvrir, bien malgré eux, les portes du second tour de la présidentielle 2012.

Bruno Gollnisch aurait sans doute eu ses chances pour briguer la tête du FN. Hélas pour lui, les médias ont focalisé leur attention sur la fille du chef. La campagne municipale d’Hénin-Beaumont en est le meilleur exemple : combien de villes de 25 000 habitants ont eu droit à une couverture de leurs élections municipales par les journaux télévisés de TF1 et France 2 ? Pas beaucoup, en effet.

Ces dernières semaines, la désignation du nouveau président du Front National a fait l’objet d’une couverture médiatique massive. Trois unes de Libé depuis le 15 janvier dernier. Marine en plateau du 20 heures de David P, invitée de Jean-Jacques B. sur RMC et BFM TV… J’en passe et des meilleures, car l’objet n’est pas ici de faire l’inventaire de ses apparitions médiatiques. Constatons simplement que le FN, que les mêmes journalistes disaient moribonds il y a à peine trois ans et demi, est aujourd’hui l’objet de toutes leurs attentions.

Les médias jouent un rôle important de leaders d’opinions. En décrivant la mutation de Marine Le Pen, en s’attardant sur la manière dont elle travaille à la dédiabolisation du FN, ils ne font que la rendre plus politiquement correcte, plus acceptable dans le paysage politique. A ce rythme-là et si nous suivons bien ce raisonnement, il n’y aura bientôt plus de honte à voter FN. 

Au lendemain du premier tour, ils diront qu’ils parlaient d’elle comme du danger qui monte. La réalité est qu’ils parlent d’elle parce qu’elle fait vendre. La presse n’est pas une œuvre caritative, c’est une activité commerciale. On devrait toujours s’en souvenir quand on ouvre un quotidien, quand on allume la télé ou qu'on branche la radio. Si Marine Le Pen remonte dans les sondages, ce ne sera qu’un regrettable dommage collatéral et mécanique de l’activité commerciale d’information.

Dédicace à celui grâce à qui cet article a vu le jour. Un chic type avec lequel j'ai participé à la rédaction du bouquin "10 raisons d'aimer (ou pas) l'éducation populaire". 

jeudi 20 janvier 2011

Quel rapport entre Oxmo Puccino, Cyrano de Bergerac et Florent Malouda?

Vous ne me verrez pas souvent prendre une partie de ma pause de midi pour faire la promotion du grand capital sur ce blog. Pour autant, l'amateur de football, de belles lettres et de musique que je suis n'a pas pu résister à l'envie de saluer le travail de ceux qui ont bossé avec la firme Nike sur l'officialisation de son nouveau statut d'équimentier officiel des bleus. Au delà du nouveau maillot (avec lequel l'équipe de France sera fin prête pour la coupe du monde 1930 en Urugway), c'est bien plus sur la campagne de publicité que mon attention s'est portée. Le parti pris de Nike est audacieux: réunir dans un format de 47 secondes un taulier du patrimoine littéraire français, un rappeur bien connu et une partie de nos valeureux grévistes de Knysna évoluant entre le tiéquar et le Grand Stade. Le pari est réussi.
A noter également dans cette pub que pour la première fois on a enfin osé mettre une femme sur le terrain. Un pas franchi qui mérite d'être souligné, même si notre footballeuse est furtivement représentée pour taper une magnifique barre. Qui sait, Nike la laissera peut-être marquer un but dans un prochain opus?
Une musique de Karl Jenkins (intitulée Palladio), un texte d'Edmond Rostand faisant croiser le fer à Cyrano de Bergerac, le tout lu par Oxmo Puccino. Je vous laisse apprécier le résultat.


En prime: le Teaser qui a précédé cette campagne de pub. En garde!

samedi 8 janvier 2011

Ce jour-là, nous étions la Génération Mitterrand

C'était le lundi 8 janvier 1996, et il devait être à peu près 13h45. Comme chaque jour, mes petits camarades de classe qui avaient passé le repas de midi chez eux revenaient au collège pour une après-midi de folies scolaires. Mais à la différence des autres jours, leur retour provoquait un bruissement inédit dans la cour et sous le préau. Ils étaient en effet porteurs d'une nouvelle que chacun s'empressait de partager et faire circuler. Je ne sais plus exactement qui m'a appris la mort de Mitterrand. Ce dont je me souviens, c'est que nous étions tous empressés d'en parler et donc touchés par cette nouvelle. 

Un repère de notre petit bout de vie venait de disparaitre. Nous sommes tous nés en 1982, c'est à dire après son élection, et il avait quitté le pouvoir même pas un an plus tôt. Nous n'avions vu que lui à la télévision. Que ce soit lors des vœux, des défilés du 14 juillet, des commémorations, des interviews ou du bicentenaire de la révolution, François Mitterrand avait constitué l'horizon indépassable de notre paysage politique d'adolescents pré-pubères. Tonton avait été LE président et nous réalisions ce jour-là que nous étions la "Génération Mitterand". Ce sentiment nous traversait quelque soit ce que nos parents avaient pu nous dire, de bien ou de mal, sur cet homme à l'allure de vieux sage. 

Cet après-midi de cours a dû passer comme une autre, je n'en garde pas de souvenir particulier. Après avoir passé une ou deux heures à l'étude, je suis rentré chez moi. Dans la soirée, j'étais posté devant le téléviseur familial quand débuta le générique du 19/20 de France 3. La marque "édition spéciale" annonçait la couleur d'une émission réservée à la mort de Mitterrand. Le générique laissa la place à une musique et un diaporama de photos en noir et blanc que je n'ai pas oublié et que j'ai redécouvert au hasard de Dailymotion. Il est là, conservé dans une archive télévisuelle quelque peu endommagée: mon souvenir le plus marquant de la mort de Mitterrand. J'avais 13 ans.