vendredi 19 août 2011

De l'Olympe à Wall Street


"Ô Jupiter, protège-nous des aléas du marché!"


Et si les dieux antiques de l’Olympe et du panthéon romain s’étaient réincarnés dans ce que nous appelons aujourd’hui les marchés financiers. Ca va sans doute vous paraître un peu capilotracté, mais la manière dont le monde est pendu aux moindres soubresauts des marchés me pousse à cette comparaison avec la religion telle que pratiquée dans l’Antiquité.

Les grecs et les romains entretenaient avec leurs dieux une relation bien différente que celle des croyants d’aujourd’hui avec le divin. « Dieu » est aujourd’hui conçu comme une sorte de taulier suprême, un Tout régissant les choses et les vies telle une vérité absolue qu’aucun croyant n’oserait remettre en cause. Les dieux de l’Antiquité, eux, ressemblaient bien plus à leurs inventeurs. Ils étaient faillibles, pouvaient aimer et haïr, se trompaient et étaient même parfois trompés. Mieux encore, les anciens se payaient le luxe de les maudire quand un dieu était accusé d’avoir frappé injustement quelqu’un d’un triste sort.

Cette relation qu’exerçaient nos aïeux avec leurs dieux comporte d’étranges similitudes avec celles que nous entretenons aujourd’hui avec « les marchés ». Tout comme pour les dieux de l’Olympe, les hommes ont élevé des temples en l’honneur des marchés (voir l’architecture du Palais Brongniart et de Wall Street). A Rome, les augures étaient chargés d’interpréter les signes envoyés par les dieux là où les analystes financiers traduisent aujourd’hui au profane la signification profonde du comportement des marchés. Les magistrats de la cité éternelle ou les stratèges athéniens ne faisaient rien sans l’aval des dieux. Ils veillaient à s’attirer leurs bonnes grâces, cherchaient à les rassurer où même à les contenter. Aujourd’hui nos dirigeants en sont réduits à la même posture vis-à-vis de la sacro-sainte finance mondiale.

Les dieux pouvaient être à l’origine d’une grande Fortune (à prendre dans le sens du mot « chance ») ou au contraire être vus comme des fauteurs de trouble qu’on aurait courroucés. Les marchés, eux, sont loués en période de vache grasse ou au contraire maudits en période de vache maigre. Tout comme les dieux enfin, les marchés réagissent de manière irrationnelle. Ils paniquent, s’emballent ou savent préparer des coups contre ceux dont la piété ou l’orthodoxie ne serait pas totale.

J’arrête ici ces analogies. Bien évidemment, ce billet est plus à lire comme un point de vue ironico-cynique sur le monde que comme une thèse historico-douteuse.

Quoi qu’il en soit, il souligne un fait simple. La sagesse et la clairvoyance qu’on attribue trop facilement aux marchés doivent enfin être remises en cause. Tout comme nos sociétés ont su relativiser le mythe des divinités régissant le monde, nous devons aujourd’hui dépasser le dogme selon lequel il faut apaiser et rassurer les marchés. Ou alors, il ne nous reste plus qu’à prier.

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