jeudi 25 août 2011

Le véritable chiffre "symbolique" du plan d'austérité

Dès la présentation du plan d'austérité hier soir, le montant de la contribution exceptionnelle demandée aux plus riches n'a cessé d'être raillé pour son aspect "symbolique". Les 3% demandés aux foyers dont les revenus dépassent les 500.000 € annuels rapporteront selon La Tribune la somme mirobolante, que dis-je "hallucinante", de... 200 Millions d'€.

Pour autant, utiliser cette somme et la juger modique ne permet pas de prendre suffisamment conscience du degré de la supercherie. 200 Millions d'€, ça reste malgré tout une somme rondelette pour la majorité des français qui rapporterait ça à son salaire annuel.

Afin d'apprécier à sa juste valeur cette nouvelle "blague fiscale", il faut plutôt calculer la part que représente la contribution exceptionnelle demandée aux plus riches dans le montant total du plan d'économie de 11 Milliards dévoilé hier. Et là, le résultat aboutit à chiffre qu'on ne peut même plus qualifier de symbolique, mais juste de ridicule. 

Ce chiffre, c'est 2%. Tout un symbole.

Les 2% symboliques

vendredi 19 août 2011

De l'Olympe à Wall Street


"Ô Jupiter, protège-nous des aléas du marché!"


Et si les dieux antiques de l’Olympe et du panthéon romain s’étaient réincarnés dans ce que nous appelons aujourd’hui les marchés financiers. Ca va sans doute vous paraître un peu capilotracté, mais la manière dont le monde est pendu aux moindres soubresauts des marchés me pousse à cette comparaison avec la religion telle que pratiquée dans l’Antiquité.

Les grecs et les romains entretenaient avec leurs dieux une relation bien différente que celle des croyants d’aujourd’hui avec le divin. « Dieu » est aujourd’hui conçu comme une sorte de taulier suprême, un Tout régissant les choses et les vies telle une vérité absolue qu’aucun croyant n’oserait remettre en cause. Les dieux de l’Antiquité, eux, ressemblaient bien plus à leurs inventeurs. Ils étaient faillibles, pouvaient aimer et haïr, se trompaient et étaient même parfois trompés. Mieux encore, les anciens se payaient le luxe de les maudire quand un dieu était accusé d’avoir frappé injustement quelqu’un d’un triste sort.

Cette relation qu’exerçaient nos aïeux avec leurs dieux comporte d’étranges similitudes avec celles que nous entretenons aujourd’hui avec « les marchés ». Tout comme pour les dieux de l’Olympe, les hommes ont élevé des temples en l’honneur des marchés (voir l’architecture du Palais Brongniart et de Wall Street). A Rome, les augures étaient chargés d’interpréter les signes envoyés par les dieux là où les analystes financiers traduisent aujourd’hui au profane la signification profonde du comportement des marchés. Les magistrats de la cité éternelle ou les stratèges athéniens ne faisaient rien sans l’aval des dieux. Ils veillaient à s’attirer leurs bonnes grâces, cherchaient à les rassurer où même à les contenter. Aujourd’hui nos dirigeants en sont réduits à la même posture vis-à-vis de la sacro-sainte finance mondiale.

Les dieux pouvaient être à l’origine d’une grande Fortune (à prendre dans le sens du mot « chance ») ou au contraire être vus comme des fauteurs de trouble qu’on aurait courroucés. Les marchés, eux, sont loués en période de vache grasse ou au contraire maudits en période de vache maigre. Tout comme les dieux enfin, les marchés réagissent de manière irrationnelle. Ils paniquent, s’emballent ou savent préparer des coups contre ceux dont la piété ou l’orthodoxie ne serait pas totale.

J’arrête ici ces analogies. Bien évidemment, ce billet est plus à lire comme un point de vue ironico-cynique sur le monde que comme une thèse historico-douteuse.

Quoi qu’il en soit, il souligne un fait simple. La sagesse et la clairvoyance qu’on attribue trop facilement aux marchés doivent enfin être remises en cause. Tout comme nos sociétés ont su relativiser le mythe des divinités régissant le monde, nous devons aujourd’hui dépasser le dogme selon lequel il faut apaiser et rassurer les marchés. Ou alors, il ne nous reste plus qu’à prier.

mercredi 17 août 2011

De la dette publique à l’investissement dans notre avenir

La crise des dettes souveraines, qui aura défrayé la chronique cet été, a fait apparaître dans le débat public un nouveau concept : les euro-obligations ou eurobonds en anglais. Pour faire simple, il s’agirait en mutualisant les dettes des Etats membres de la zone euro, d’assurer aux pays un taux unique d'emprunt sur les marchés.  Les euro-obligations sont aujourd'hui à l'état de projet car les Allemands s’opposent farouchement à cette mesure. Ils ne voudraient pas voir leur crédibilité de créancier se diluer dans une dette européenne entachée, selon eux, par les mauvais gestionnaires que sont les pays d'Europe du Sud. Angela Merkel a d'ailleurs mis assez de pression sur Sarkozy pour que cette question ne soit même pas discutée lors du sommet franco-allemand du 16 août à l’Elysée.

© Reuters
Le paysage étant posé, je voudrais m'attarder sur un point qui m’irrite quelque peu les oreilles quand j’entends parler des euro-obligations. Tous les observateurs, qu’ils soient économistes, journalistes ou même politiques ne jugent la question des euro-bonds qu'au travers du prisme de la crise de la dette souveraine. Dans les quelques discours qui se font sur le sujet, on entend que mutualiser les dettes européennes servirait à protéger les pays des attaques spéculatives sur… leur dette. En somme, faisons de la dette pour nous protéger de la dette.

Mon idée n'est pas ici de prolonger le soupçon que nourrissent nos cousins germains envers ces pays prétendus laxistes du sud et qu'ils accusent de vouloir endetter l’Europe pour de bon. Mon intention est plutôt de remettre en cause les discours qui perdent de vue à mon sens ce à quoi doit servir une dette souveraine.

Le projet des euro-obligations, s’il ne sert qu’à garantir la dette des Etats est inutile. Bien plus qu’un nouveau moyen de financer le fonctionnement des Etats, ces eurobonds doivent constituer un levier essentiel d’investissement dans notre avenir. Selon mes calculs, la zone euro pourrait lever pas moins de 70 Milliards d’€ s’il elle s’endettait à hauteur de 3% de son PIB, c’est-à-dire largement dans les clous des critères de convergence de Maastricht. Quant à l’Union Européenne, ce n’est  pas moins de 445 Milliards d’€ qui pourrait être mobilisés dans les mêmes limites jugées raisonnables par nos voisins tudesques.

Ces chiffres sont bien évidemment virtuels, étant donné l’absence de budget de l’Euro-Zone ou l’impossibilité qui frappe l’Union européenne de créer de la dette en son nom. Quoi qu’il en soit, ces montants donnent une idée très claire de ce qui pourrait être investi par l’Europe dans l’éducation, la R&D ou encore dans les politiques industrielles si cette dernière était une entité politique, sociale et économique digne de ce nom.

L'Europe, si elle veut éviter des années voire des décennies de croissance atone, a besoin d'un nouveau Plan Marshall. Là est le vrai enjeu d'une gouvernance économique nouvelle pour le vieux continent. De l'idée d'une surveillance mutuelle des déficits publics des uns et des autres, il faut passer au stage des investissements massifs dans le nouveau modèle de développement, prôné par beaucoup mais mis en oeuvre par personne. Un modèle plus sobre en énergie et en matières premières mais à nouveau créateur de richesses, d'emplois et pourquoi pas de bonheur (soyons fous!).

Si l'Europe rate cette opportunité, d'autres s'en saisiront et s'en saisissent même déjà. Pas plus tard qu'en juin dernier, c'est-à-dire au moment où la Grèce était au plus fort de la crise de la dette, deux groupes industriels chinois ont signé avec les autorités helléniques un accord de près de 3 Milliards d'€ sur le développement des énergies solaires dans le pays. Y'a comme qui dirait quelque chose qui ne tourne pas rond sur notre vieux continent.