jeudi 30 décembre 2010

Côte d'Ivoire: le double jeu de la Chine

Puisque Julian Assange a l'air trop occupé à tirer sur l'ambulance diplomatique américaine, je me dévoue corps et âme pour traiter du cas de la diplomatie chinoise. Cela fait plusieurs jours que j'observe ce qui se dit et s'écrit autour de la Côte d'Ivoire. Officiellement, la Chine fait partie du camp des pays qui reconnaissent Alassane Ouattara comme le président élu de la Côte d'Ivoire. Le vote à l'unanimité de la résolution 1962 du conseil de sécurité de l'ONU, dont la Chine fait partie, est censé en constituer une preuve. Ce texte condamne les violences, prolonge le mandat de l'ONUCI et reconnait officiellement Ouattara comme le président légitime.

Mais croire que la position chinoise sur la Côte d'Ivoire est aussi simple serait oublier les subtilités de la diplomatie mondiale. La Chine donne en effet nombre de signaux contradictoires quant à son approche sur la crise ivoirienne. Selon plusieurs journalistes africains favorables à Laurent Gbagbo, la Chine faisait partie des délégations qui, le 4 décembre dernier, ont assisté à sa cérémonie d'investiture au côté du Liban, de la Russie, de l'Afrique du Sud et même du Brésil.

Les dernières déclarations de la Chine sont un peu plus claires sur le flou que ce pays semble entretenir sur la Côte d'Ivoire. Ce jeudi 30 décembre, le ministère des affaires étrangères chinois a tenu une conférence de presse pendant laquelle le cas ivoirien a été abordé. "Nous sommes concernés par la situation tendue en Côte d'Ivoire" a déclaré Jiang Yu Held, porte-parole du ministère avant de poursuivre: "La Chine espère que les partis trouveront une issue à cette crise par le dialogue et la consultation, pour réaliser la réconciliation politique, et maintenir la paix et la stabilité. La Chine soutient la médiation de pays africains (...)". Belle leçon de langue de bois. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette déclaration est moins claire que la résolution des Nations Unies.

La Chine ne se mouille pas et préfère appeler à la conciliation sans pour autant dévoiler qui des deux présidents elle soutient. Pas étonnant pour un pays qui investit un peu plus chaque année pour faire de l'Afrique son grenier. Dès 2008, le volume des échanges commerciaux entre la Chine et la Côte d'Ivoire s'élevait "à plus de 300 millions de dollars" selon l'ambassadeur chinois en Côte d'Ivoire. Cette conférence de presse a d'ailleurs été l'occasion d'annoncer la tournée africaine de janvier de Hui Liangyu, vice-premier ministre chinois en charge de... l'agriculture.

mardi 28 décembre 2010

Julian Assange: un héros bien triste

Le 21 décembre dernier, le journalo-écrivo-épicier @guybirenbaum a lancé un "Cap ou pas cap" à ses followers sur Twitter. Le défi est simple: réaliser son propre édito vidéo sur n'importe quel sujet. Vous trouverez donc ci-dessous ma contribution au défi. Elle porte sur le désormais "ennemi numérique n°1": Julian Assange.

Pour aller voir cet édito sur le blog de Guy Birenbaum et surtout pour y laisser votre commentaire, c'est par ici !

lundi 13 décembre 2010

Rendez-vous manqué entre l'Aigle et le Dragon

Lors de mon séjour romain du 5 décembre dernier, j'ai eu l'occasion de visiter "I due Imperi: l'Aquila e il Dragone" (Les deux Empires: l'Aigle et le Dragon). Établie dans le cadre de l'année de la culture chinoise en Italie, cette exposition présente sur le papier un programme des plus alléchant pour le passionné d'histoire romaine et curieux de la Chine que je suis. S'inscrivant dans la lignée des expositions et autres études comparatives très en vogues en ce début de XXIème siècle, "Les deux Empires" se propose de mettre côte à côte l'Empire romain et son contemporain qu'est l'empire chinois Qin/Han. 

Affiche de l'expo: soldat de terre cuite et l'empereur Auguste
L'introduction de cette exposition est sans faute. Une présentation rapide des deux entités est complétée par un éclairage de ce qui aurait pu être le fil rouge de cette comparaison: la route de la soie. Le visiteur y apprend que le commerce entre Rome et l'Orient représentait environ 100 millions de sesterces (soit environ 76 000 000 €) au premier siècle après JC*. Il découvre ensuite que la soie importée de Chine arrivait à Rome par de multiples intermédiaires et que par conséquent, les romains et les chinois n'ont jamais eu de contacts directs. 

On arrive ensuite dans une salle où les vitrines successives présentent un grand nombre d'aspects de la culture romaine. Tout y passe: politique, religion, agriculture, arts de la table, jeux du cirque, etc.  Au centre de cette même pièce, quelques statues viennent démontrer à quel point les romains étaient calés en art statuaire, ou plutôt en contrefaçons grecques (on parle toujours ici des romains...).

La pièce suivante est réservée à la Chine tout comme la troisième et dernière salle qui suit. Même topo: des statues, des sculptures, de la terre cuite, des armes, des bas-reliefs et autres habits de toutes sortes nous projettent l'image d'un empire Han balaise parmi les balaises. 
J'aurais pu vous en dire un peu plus sur ces nombreux témoins des temps passés, mais là n'est pas l'essentiel de mon billet. Au-delà de la succession d'éléments de prestige romains et chinois, la muséographie de cette expo ne propose à aucun moment au visiteur une véritable comparaison entre ces deux empires. J'ai été d'autant plus déçu en sortant du Palazzo Venezia que les occasions ne manquaient pourtant pas aux créateurs de cette initiative de mettre concrètement en perspective ces deux civilisations. 

* Témoignage de Pline l'ancien. Il naquit en 21 après JC et mourut en 79 près de Pompéi lors de la fameuse éruption du Vésuve dont il décrivit méticuleusement les premières heures. D'où l'appellation "éruption plinienne".

vendredi 3 décembre 2010

La Terre ne s'arrêtera pas de tourner en attendant 2012


2012. Voilà une date que l'on entend déjà résonner à toutes les sauces, dans toutes les bouches et sous toutes les plumes. A présent, me voilà moi-même piégé à faire cliqueter mon clavier sur ce thème.

Du côté du gouvernement et de sa majorité, la crise est terminée et on assisterait même selon eux à une reprise de l'emploi. Les paroles et les actes de cette droite repliée sur elle-même trahissent nettement la volonté de rassurer les marchés mais également les moins progressistes des français. Tout cela pour mieux préparer la "grande bataille" dont la date et le lieu ont déjà été fixés depuis longtemps. Le gouvernement de guerriers aux têtes de premiers de la classe désigné il y a peu est le meilleur exemple de cette mobilisation.

A gauche, la réalité sociale, économique et internationale est quasi-absente des discours. Après une brève accalmie, le débat d'égo et de postures éléphantesques a repris de plus belle au PS. 2012 est déjà affiché comme l'horizon indépassable. Pour preuve, la promesse de revenir sur la réforme des retraites qui a été faite alors même que le mouvement social n'avait pas encore dit son dernier mot. De son côté, la Gauche radicale nous ressort des discours aux accents qui sentent bon le formole type IIIème République avec de la "fureur", du "fracas" et autres conneries à profusion. 

Au centre? Rien de nouveau.

Tout cela m'exaspère. Mais pas question pour autant de jouer celui qui sait mieux que nos élites que la "France d'en bas" est agacée par ce "2012zisme" précoce. Non, car je suis convaincu que l'échéance présidentielle à venir est importante. Seulement, c'est sur le choix du terrain d'affrontement que je suis en désaccord. Pourquoi en effet faire de 2012 un terrain de débat en soi, presque hors du temps, quand la situation économique, sociale et politique offre chaque jour des opportunités de se positionner concrètement et de se frotter à la rigueur de la réalité.

Donner des perspectives aux 2 millions de salariés enfermés dans des jobs payés aux alentours du SMIC ; offrir une solution au million de jeunes chômeurs de moins de 30 ans et aux 700 000 jeunes qui arrivent chaque année sur un marché de l'emploi qui les boude ; résoudre la crise de l'Euro(pe); contrer la montée des nationalismes et trouver les budgets nécessaires à l'investissement et à l'innovation. N'y a-t-il donc pas assez de dossiers dans le monde de 2010 pour donner chair à un véritable débat? La Terre va-elle faire une pause dans sa révolution en attendant le moment fatidique?  Je ne pense pas mais une chose est sûre, les mayas se marreraient bien à cette idée.

S'il n'est pas déconnant que les grandes formations politiques s'affrontent à coup de conventions thématiques, je ne suis pas certain que l'enjeu de 2012 se limitera à une confrontation de bibles programmatiques. Le débat d'idées est bien évidemment essentiel. Mais s'y limiter sans confronter ce corpus au "ici et maintenant" risque de décrédibiliser l'action du Politique avant même sa mise en oeuvre effective.

Certes, le terrain de jeu actuel n'est pas des plus attrayants. La pelouse est inondée, les crampons pleins de boues, les arbitres (comme les marchés financiers) sont juges et parties, et la balle avec laquelle on est sensé jouer est en tissu, faute de budget. Pour autant, je suis certain que cette période est une opportunité pour ceux qui viendront bientôt nous taquiner le bulletin de vote. Car c'est dans l'adversité que les Français reconnaitront leurs futurs dirigeants*.

* Ce bon vieux Cicéron ne me reprochera sans doute pas cette paraphrase étant donné qu'il est mort depuis bientôt 2000 ans. Sans rancune Marcus!